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Coma, l'autre vie !
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24 septembre 2008

Mon mode d'emploi :

Le personnel médical, qui a choisi ce type de patients, est motivé et méritant, mais il n’est pas du tout dans le même registre que nous les accompagnants ; nous, nous sommes dans un autre monde, celui de l’affectif et nous avons un regard tellement différent pour nos proches.

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Personne ne vous donne le mode d’emploi, comment faire pour accompagner notre malade EVC ? 

Ma règle : Ne jamais pleurer devant lui, lui parler du quotidien de façon positive, parler doucement, répéter mais, faire comme s’il comprenait tout. Il m’est arrivé de lui faire écouter de l’oreille gauche une chanson, et de la chanter dans son autre oreille. Je voulais lui apporter, un peu de gaîté. A la télévision, je choisissais ce qu’il aimait : les chaînes de sport ; pour les DVD, c’était la chasse, la pêche, la pétanque, enfin tout ce qui le passionnait avant !

Nous avions décoré sa chambre avec des photos, des dessins d’enfants, des objets familiers…

J’avais réalisé des cassettes avec l’enregistrement des voix des enfants, petits-enfants, copains, amis avec qui, il avait partagé plein de choses...Je lui faisais écouter toutes ces voix, et je trouvais qu’il réagissait bien sur la voix d’une de ses petites filles et aussi sur celle d’un de ses bons copains boulistes avec qui il avait gagné bon nombre de concours, puis j’ai eu l’impression qu’il se lassait, alors nous avons recommencé de nouveaux enregistrements. Un de mes fils avait même réalisé un DVD avec ces voix et en support graphique des photos de famille qui défilaient.

Après, nous lui avons apporté un cadre numérique que j’approchais près de son visage en commentant les photos qui passaient comme la vie qui s’écoulait…

Je l’ai beaucoup massé, les bras, les jambes, le visage, le crane avec des huiles, crèmes de massages, je le parfumais avec des eaux de Cologne, de toilette.

J’ai aussi utilisé les huiles essentielles en variant les différents parfums pour profiter au maximum de leurs vertus.

Je voulais qu'il ressente notre présence, qu'il ne se croit pas abandonné.

J’avais l’impression qu’en m’occupant bien de lui pendant mes temps de visites que je me rendais utile et que je l’aidais un peu. Je déculpabilisais un peu d’être, moi-même, bien vivante.

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Commentaires
M
Je ne peux pas vous répondre personnellement car j'ai préféré l'anonymat pour les commentaires de ce blog. Enfin un personnel de santé qui s'exprime !Comment avez-vous eu les coordonnées du blog ? Enfin peu importe, vous parlez et si bien avec tant d'humanité et de poésie de votre travail de nuit auprès des malades E.V.C.que je suis toute bouleversée ! Savoir les malades entourés d'une telle bienveillance me réchauffe le coeur. Pendant les 5 semaines de réanimation de mon mari, je téléphonais en pleine nuit, ainsi que tôt le matin pour avoir des nouvelles, mais j'ai pris de telles claques par des réponses souvent si maladroites de soignants, que j'avais décidé tant à Briançon, qu'aux Granges à éviter d'interroger sur les nuits. Je préférais ne pas savoir. Le fardeau est si lourd, le partager un peu, libérer la parole ne peut que faire évacuer tout ce stress ! Merci encore pour votre très beau texte si touchant. Bon courage, ils méritent des soignants comme vous.
D
Bonjour,<br /> <br /> Je n’ai pas connu votre mari, je ne vous ai jamais rencontré mais je lis votre blog avec un œil plein d’attention et d’empathie.<br /> <br /> Je n’ai pas connu votre mari mais je connais ceux et celles qui peuplent mes longues nuits de veille dans le service où il a vécu la fin de sa vie. <br /> <br /> Je n’ai pas rencontré les compagnes ou les compagnons ou les parents des patients enfermés dans la solitude de leur nuit. Je n’ai jamais laissé un message dans les cahiers et les carnets posés sur les tables dans leur chambre.<br /> <br /> Mon travail nocturne est fait de soins, de silence, de respect, d’attentions.<br /> Je reconnais chaque bruit. Les glou-glou d’une gorge encombrée, une toux épaisse et grasse, une autre toux profonde, les cris qui commencent par un murmure, montent en hurlement guttural pour s’éteindre en un minuscule halètement.<br /> Je reconnais chaque silence strié d’infimes froissements. Il a bougé ses jambes, il a fait tomber le bloc de mousse, elle est restée immobile, statue à la peau d’ivoire environnée du son lancinant d’un mantra.<br /> <br /> Qu’avez-vous connu de la nuit de votre mari ? On vous a dit sans doute : « il n’y a pas eu de problèmes, il a passé une nuit calme etc.. »<br /> <br /> La nuit, étrangement, ils dorment.<br /> <br /> Les yeux clos, la respiration plus aisée, le corps plus déplié, ils dorment.<br /> Rêvent-ils ? Je ne sais pas. Souffrent-ils ? Je ne sais pas.<br /> Je veux qu’ils soient tous installés dans des draps frais et bien tendus. J’enlève le plus possible les blocs de mousse qui bloquent leurs membres, qu’ils soient le plus libre dans leur enfermement.<br /> Je masse doucement des pieds, des dos, des mains, des coudes et quand je sens la peau devenir souple et tiède, je sais qu’ils sont mieux.<br /> <br /> Voyez, un travail de rien, un travail invisible. Un travail secret car à qui dirais-je que ma main sur un front moite était un geste de tendresse. Trente deux ans que j’entends : « le soignant doit garder sa distance ».<br /> Qu’importe, quand les heures de la nuit s’égrènent, je suis celle qui veille. <br /> Saviez-vous qu’en cette saison, lorsque je sors sur la terrasse, boire de l’eau et fumer la cigarette interdite, le premier chant d’oiseau est à 4h10. Pas 4h05 et pas 4h15. Quand le premier pépiement surgit, les arbres frissonnent et les tous les moineaux livrent leur salut à l’aube qui s’annonce. Le ciel ne s’est pas encore éclairci.<br /> <br /> Et eux, ils dorment.<br /> <br /> Je passe de chambre en chambre, de seuil en seuil. <br /> Je sais qui les aime et je ne sais pas qui ils ont aimé. Je retrace leurs histoires avec des photos emplies de mouvements et de sourires. Je regarde leurs maisons et les salons et les enfants et les parents et les amis et j’invente leurs vies.<br /> <br /> Un foulard de soie posé sur votre poitrine et je sais qu’aujourd’hui vous n’êtes pas resté sans amour. Le parfum entêtant d’un bouquet de fleurs élancées et je sais qu’aujourd’hui vous n’êtes pas resté sans amour. Une balle de tennis qui a roulé contre votre flanc et je sais que vous n’êtes pas resté sans amour.<br /> <br /> Et que sont mes pensées ? Faites que je n’ai pas de décès cette nuit, faites que je n’ai pas de soucis, faites qu’il ne se noie pas dans ses mucosités, faites qu’il dorme sans crier, faites que ça n’arrive jamais à mes enfants, faites que ça n’arrive jamais à mon mari. Pourquoi vit-il encore ainsi, c’est quoi cette vie ? Est-ce seulement la vie ? <br /> Et pourquoi, au terme d’une belle vie professionnelle, j’ai choisi un tel service ? Et la nuit, lorsque je m’étais jurée de ne plus jamais connaître cette fatigue qui colle comme un vêtement sale.<br /> <br /> La nuit, il n’y a personne. <br /> Nous sommes deux et nous avons quatre mains. Quatre mains qui vont essuyer, laver, changer, masser, effleurer et deux cœurs qui vont battre avec les huit autres qui nous sont confiés.<br /> La nuit, nous sommes dix.<br /> <br /> Derrière les portes coulissantes, dans ce monde clos, nous respirons le même air, je vous parle et vous vous taisez. Parfois dans le vide de vos regards s’allume une étincelle. Puis vos paupières se ferment et la nuit déroule son tapis feutré vers une aube nouvelle et étrangement identique.<br /> <br /> Dom.
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